I. De 1219 à 1260: Renier de Udekem
Le monastère de l’Ile-Duc était donc définitivement établi. Le svelte
clocher de son église s’élançait vers les cieux au milieu d’une riante
vallée, entrecoupée d’étangs et de bosquets, que bordait au loin une
ceinture de collines. Les bâtiments claustraux, éclatants de fraîcheur,
semblaient, dans ce beau site, commander la paix de l’âme, et prédisposer à
la prière.
Les enfants de Renier de Udekem continuèrent à enrichir la pieuse
fondation de leurs parents. Jehan de Udekem, chevalier, et son épouse,
Jacqueline, gratifièrent le couvent d’une verrière, qui fut placée dans le
cloître (in ambitu) et ils firent en outre des offrandes destinées à embellir
l’autel de St. Jean-Baptiste[1]. Wauthier de Udekem, le
second des fils du sire Renier, se souvenant de l’œuvre de son père, fit également
des largesses au couvent[2]
et les étrangers, tant ecclésiastiques que laïcs ne se montrèrent pas moins
généreux envers les norbertines de l’Ile-Duc[3].
A cette époque, c’est-à-dire vers la première moitié du XIVe siècle,
vivait à Gempe un moine de Parc, le frère Jacques Clinckaert, dit de Nussia.
Ce religieux possédait un haut degré l’art, si précieux au moyen âge, de
la calligraphie et de l’enluminure des manuscrits. Il habitait une modeste
cellule, au dessus de la porte du monastère. L’an 1339, la veille de la fête
de st. Lambert, le prémontré y acheva la transcription sur parchemin des
sermons de Nicolas de Aquaviva, frère mineur. L’archiviste actuel de Louvain,
Mr. Edw. Van Even, possède encore une œuvre du norbertin de Parc; c’est un
in 4° sur parchemin qu’il écrivit en 1351, et intitulé: Nicolaus de Lyra,
Tractatus in decem precepta. Le moine-artiste produisit, grâce à la fécondité
de son génie, des oeuvres nombreuses: c’étaient pour la plupart des sermons
conservés jadis dans la bibliothèque de l’Ile-Duc. Devenu plus tard prieur
à Parc, il remplit sa charge pendant trente-cinq ans; on prétend qu’il fut
prévôt à Gempe. Cette opinion ne repose sur aucun fondement; peut-être y était-il
coadjuteur du directeur des norbertines. Jacques de Nassia mourut à Parc le 16
juin 1383.
Trois siècles après le duc Henri I, les princes se souvinrent encore1, ce
semble, de la promesse du premier bienfaiteur de l’Ile-Duç. C’est ainsi que
Philippe le Bon, duc de Bourgogne, délivra, en 1442, des lettres de sauf
conduit aux filles de Gempe. Deux ans après (1444) il déclara par écrit
reconnaître à leur monastère la propriété de tous les biens, que ses prédécesseurs,
les ducs de Brabant et de Lothier, lui avaient octroyés. Lui-même augmenta
leurs privilèges, en faisant remise à la communauté des impôts et des corvées
de transport par voie d’eau et par voie de terre. Chacun de ces hauts et
puissants princes s’était plu à contribuer à la prospérité de
l’Ile-Duc, source de tant de nobles exemples de vertus privées. Grâce à
l’esprit religieux des seigneurs qui venaient y offrir leur or, et à la piété
des pauvres qui déposaient leur obole dans le tronc du sanctuaire, le prieuré
de Gempe vit insensiblement ses ressources se multiplier et se trouva propriétaire
d’une assez grande quantité de terres. Tous les villages avoisinants
payaient des redevances au monastère: qu’il nous suffise de citer Pellenberg,
Lovenjoul, Nieuwrode, Lubbeke, Corbeeck-Loo, Cortelke, Thielt, Vertryck,
Waenrode, Vissenhaeken, Hauwaert, Hougaerden, Winghe St. Georges, etc.
Vers la fin du XVe siècle, le couvent de Gempe dut passer par une rude épreuve.
Une sainte intimité avait existé jusque là entre Parc et Gempe. Les moines et
les religieuses célébraient annuellement un anniversaire solennel les uns
pour les autres. Or, ces bonnes relations menacèrent de se rompre, par suite de
circonstances auxquelles les religieuses étaient entièrement étrangères. Le
St.Père, par un bref de l’année 1487, supprima, sur la demande de l’abbé
de Parc, la charge de prévôt que les directeurs de l’Ile-Duc avaient exercée
pendant deux siècles et demi. Ces prévôts avaient empiété peu à peu sur
les droits du Père-abbé et avaient fini par se soustraire ouvertement à leur
autorité. L’abbé de Parc, Théodoric de Tulden, leur fit de sages et
paternelles représentations, mais ses efforts restant stériles, il se vit
obligé d’employer un moyen extrême, celui d’invoquer l’intervention de
la cour de Rome. Le Pape répondit à la demande de l’abbé par la bulle de
1487. Le dernier directeur du prieuré, portant le titre de prévôt, fut donc
Wauthier de Eeswinckel. Il passa cette même année à la cure de Tervueren.
Depuis cette époque jusqu’au moment de la suppression de Gempe la bulle
du souverain Pontife resta en vigueur; toutes les prérogatives dont jouissait
le prévôt furent transportées à l’abbé de Parc. Dès lors la nomination
aux fonctions curiales de Gempe appartint exclusivement à ce prélat et ceux
qui exercèrent cette charge n’eurent plus d’autre titre que celui de
prieurs.
Nous voici arrivés à ce siècle fameux, où notre patrie fut le théâtre
de luttes si sanglantes et si souvent renouvelées. Des bandes étrangères se
ruèrent sur le Brabant et portèrent dans les campagnes la terreur de leur
brigandage, dévastant les fermes, les châteaux et les couvents. Martin van
Rossem, dit le diable, à la tête des Gueldrois et de quelques Français, pénétra
le premier dans nos provinces et vint mettre le siège devant Louvain en 1542.
Ses troupes ravagèrent tous les environs de la ville; et les édifices
religieux éprouvèrent particulièrement les effets de la rage des
lansquenets, Luthériens pour la plupart. Gempe ne leur échappa point et fut le
théâtre d’abominables excès. Heureusement les religieuses, prévoyant le
sort qui les attendait, avaient eu la prudence de se retirer dans leur refuge à
Louvain et d’y demeurer tant que dura la tourmente. Charles-Quint réussit à
rendre la paix à ses états. Les communautés religieuses respirèrent et
commencèrent à réparer les désastres qu’elles avaient essuyés. Les
Norbertines rentrèrent à Gempe et relevèrent de leur mieux les ruines qui les
entouraient.
Leur séjour dans le monastère ne fut point de longue
durée pendant le règne
de Philippe II. Les troubles qui agitèrent la Belgique forcèrent les
religieuses à abandonner de nouveau leur résidence. Les troupes du prince
d’Orange en 1572 entrèrent dans les Pays-Bas; après s’être emparé de
Diest et de Tirlemont, Guillaume de Nassau se rendit maître de Louvain. La
communauté de Gempe s’était retiré à l’approche du prince; et nous
lisons dans les archives de l’abbaye de Parc qu’en 1578, les filles de
l’Ile-Duc étaient encore à Louvain, sous la direction de leur prieur André
Kimps, qui était en même temps proviseur de l’abbaye.
Kimps mourut le 17 mai de l’année suivante. L’abbé de Parc désigna
comme prieur de la communauté en exil le curé de Cortelke, Ludovic
Ketelbuters, moine de son abbaye. Les religieuses demeurèrent à Louvain aussi
longtemps que les menées de Taciturne ne leur permirent pas de séjourner
paisiblement à 1’Ile-Duc. A l’arrivée des archiducs Albert et Isabelle
dans les Pays-Bas, vers 1599, les Norbertines reprirent possession de leur
abbaye. Les archives de Parc nous apprennent que le chanoine Michel Luytens
gouverna la communauté pendant l’exil: or cette remarque n’est point faite
là où il est question de Jean Boschmans, son successeur, qui fut nommé en
1597.
Les sœurs de l’Ile-Duc avaient bien souffert pendant ces longues années
d’épreuves: elles avaient vu leur monastère exposé aux violences de
l’intolérance calviniste, combattant au nom de la liberté religieuse,
pendant qu’elles-mêmes ne jouissaient que d’une sécurité bien précaire.
Leurs ressources avaient diminué considérablement: les redevances n’étaient
plus payées et leurs terres demeuraient dans l’abandon. Telle fut la
détresse
de la communauté qu’il fallut craindre avec raison de voir le moment où le nécessaire
viendrait à manquer. Les religieuses se virent forcées d’aliéner leurs
biens pour subsister: le 6 mai 1583, le vicaire général de l’ordre de st.
Norbert dans nos provinces, Egide Daischelet, abbé de Floreffe, fit parvenir
aux norbertines fugitives l’autorisation de vendre des immeubles jusqu’à
concurrence de la somme de 600 florins, "ad necessariam vitae
sustentationem."[4]
Mais telle était la ferveur des filles de Gempe que, dans ces temps de désordre,
elles n’eurent à déplorer la défection d’aucune d’entr’elles. Elles
traversèrent heureusement les tristes jours du XVe siècle. L’épreuve les
raffermit dans le bien et les y fit grandir.
Leur réputation de régularité s’étendit au loin, et servit plus
d’une fois à donner l’élan à des communautés naissantes ou à rétablir
la discipline claustrale dans les maisons où elle était en souffrance.
Témoin de cette régularité parfaite, l’abbé d’Averbode pria, en
1618, quelques-unes des chanoinesses de l’Ile-Duc de vouloir se rendre au
couvent de Keyssersbosch, dans le comté de Hornes. Ce monastère était tombé
dans un déplorable état de relâchement, on n’y observait plus ni l’étroite
clôture, ni les devoirs de la vie commune. Pour relever cette communauté déchue,
le prélat d‘Averbode crut devoir opposer à ces désordres les fervents
exemples des Norbertines de Gempe. Quelques religieuses quittèrent donc
l’Ile-Duc pour se rendre à Keyssersbosch. Aidées d’un pieux apôtre,
Servais de Lervelz, qui s’en allait par la France, l’Allemagne et les
Pays-Bas, évangéliser les couvents et les exciter par sa parole entraînante
à la pénitence, elles se mirent à l’œuvre et le monastère redevint peu à
peu ce qu’il avait été jadis et ce qu’il devait être.
En même temps les bienfaits de quelques années de paix
exercèrent immédiatement
leur salutaire influence sur le pays, et le monastère de l’Ile-Duc répara
insensiblement les désastres occasionnés par les dernières guerres.[5]
On y avait commencé des travaux de restauration quand le prieuré se vit
menacé de nouveaux désastres par les projets ambitieux du cardinal de
Richelieu et les convoitises de la Hollande. Les armées de Louis XIII entrèrent
dans notre pays et y opérèrent leur jonction avec celles que commandait Frédéric
Henri d’Orange. Après le sac de Tirlemont, sanglant épisode de cette triste
campagne, et le siège de Louvain, le prince d’Orange replia ses forces sur
Diest. Nous ignorons si, dans ce mouvement de retraite, le couvent de
l’Ile-Duc eut à souffrir du passage des ennemis. Quoiqu’il en soit,
quelques années après, on continua les grands travaux d’embellissement
commencés aux bâtiments et particulièrement à l’église[6].
D’autre part les norbertines de Gempe pratiquaient avec une perfection
devenue proverbiale toutes les observances de la vie claustrale, sans négliger
au dehors, les devoirs de charité: elles soignaient les malades et
instruisaient les enfants. Les archives de 1’état nous ont conservé une pièce
authentique, qui pourrait servir au besoin de preuve à nos allégations,
touchant la bonne tenue de l’abbaye[7].
Le 14 septembre 1665 Servais Vaes, abbé d’Averbode, fit une visite canonique
dans le couvent. Le chapitre général des prémontrés, tenu en 1663, avait
investi ce prélat des fonctions de visiteur (circator ou visitator) de toutes
les maisons de sa règle, dans les provinces de Frise et de Brabant[8].
D’après le cérémonial usité dans ces visites, le visiteur entendit les
réclamations ou remarques de chaque sœur en particulier. Toutes sans
exception se déclarèrent satisfaites de la tenue et de la discipline de leur
communauté. La plupart des observations que firent les religieuses, portèrent
uniquement sur les restaurations à faire aux bâtiments, sur les mesures
d’ordre à prendre relativement aux mendiants qui venaient en foule assaillir
le monastère, et sur la manière de recevoir les étrangers.
Le XVIIIe siècle s’ouvrit par cette grande guerre de la succession que
Louis XIV alluma en mettant son petit-fils, le duc d’Anjou, sur le trône
d’Espagne. Un des premiers actes de la lutte fut l’occupation de nos
provinces par les armées françaises. Le roi de France, revendiquant notre
territoire comme dépendance de la couronne de Charles II, fut obligé de
soutenir ses prétentions par les armes, contre les protestations de l’Autriche.
Le 6 février 1701, les troupes françaises franchirent nos frontières,
sans rencontrer d’obstacles. Mais dès que les opérations de cette armée
envahissante furent connues des cours étrangères, le roi d’Angleterre et les
Provinces-Unies se déclarèrent contre la France et conclurent entre eux la
Grande Ligue. On mit à la tête des alliés le fameux John Churchill, duc de
Malborough, et l’on commença la campagne au mois de septembre. Comme le
Brabant semblait devoir être le principal champ de bataille des belligérants,
ces évènements inspirèrent de graves inquiétudes à l’abbé de Parc, Paul
de Bruyn. Ce prélat portait un intérêt tout spécial au couvent de
l’Ile-Duc, dont il avait été longtemps le directeur et qu’il avait quitté
pour prendre la mitre à l’abbaye de Parc. Le 27 octobre 1702 il dépêcha un
courrier vers les norbertines de Gempe et leur enjoignit de se retirer dans leur
refuge de Louvain[9].
L’exil des norbertines fut moins long qu’elles auraient pu le craindre.
Elles se virent réinstallées dans leur monastère dès le commencement de
1703. Nous voyons que déjà le 2 avri1, Paul de Bruyn vint célébrer
solennellement à Gempe, la fête jubilaire de Dymphee van Tulden, la
sous-prieure[10].
Au printemps de l705, les armées de Malborough reparurent dans nos contrées
et pénétrèrent rapidement dans le Brabant. Les Anglais commencèrent à
ravager les environs de Louvain, vers la mi-juillet. Le 18 de ce mois, les églises
et les presbytères de Lubbeeck, de Cortelcke et de Rode-St.-Pierre furent dévastés
et les villages mis à feu et à sang.
Malgré l’imminence du danger, les religieuses de l’Ile-Duc n’avaient
point encore quitté leur monastère. Elles avaient été épargnées grâce à
des lettres de sauvegarde, qui leur avaient été données par le général
anglais. Mais cette sécurité leur parut bientôt précaire devant la marche
des évènements. Le 21 juillet, ayant mis en sûreté leurs objets les plus précieux,
elles se retirèrent à Diest. Le chemin de Louvain était occupé par les Anglais:
elles n’osèrent affronter leur rencontre et prirent une autre voie.
Dans les premiers jours du mois d’août, Malborough quitta ses positions
et remonta vers La Hulpe et Mont-St .-Guibert. La communauté de Gempe profita
de ce mouvement pour se rendre à Louvain. Le 16 août les fugitives quittèrent
donc Diest, retournèrent à l’Ile-Duc, y firent quelques préparatifs de départ,
et le 21 août elles prirent la direction de la capitale du Brabant où elles
séjournèrent jusqu’au 1 octobre suivant. Paul de Bruyn se rendit alors auprès
d’elles et les engagea à regagner paisiblement leur cloître[11].
Le 25 avril 1706, une grande solennité fut célébrée au monastère de
l’Ile-Duc. Le prélat de Parc, assisté de son prieur et de tous les chanoines
réguliers, curés dans le Hagelandt, procéda à l’installation d’une confrérie,
sous le patronage de saint Hubert. Le culte du glorieux protecteur contre la
rage se répandit avec un immense succès dans le pays et les pèlerins affluèrent
en grand nombre au cloître de Gempe, grâce aux prodiges qui s’y opéraient.
Ce fut alors qu’on publia une vue du monastère pour distribuer aux pieux
visiteurs. Cette gravure, oeuvre de Harrewyn, reproduisait le prieuré tel
qu’il existait à cette époque. St. Hubert y est représenté entouré
d’une gloire; on y voit à ses pieds les malheureux qui viennent invoquer sa
protection.
Cependant la guerre continuait, tantôt à l’avantage des Français, tantôt à celui des alliés. La défaite de Ramillies le 23 mai 1706, quelque désastreuse qu’elle fut, n’abattit point le courage des Français; l’année suivante la victoire sembla leur sourire et leur fit tenir assez longtemps en échec les forces des alliés dans le Brabant. Dans une escarmouche, où les troupes du duc de Vendôme eurent le dessus, les fuyards de l’armée confédérée s’abattirent sur les environs de Bruxelles et de Louvain (28 mai 1707). L’abbé de Parc jugea prudent d’engager les dames de Gempe à se mettre à l’abri dans leur refuge de Louvain; elles s’y rendirent et y restèrent depuis le 29 mai jusqu’au 16 août suivant.
Les succès de la France ne furent qu’éphémères. Les talents du
prince Eugène de Savoie, joints à l’énergie du général anglais, le duc de
Malborough, achevèrent la défaite des Français. Louis XIV, accablé de
revers, fut obligé de souscrire à la paix d’Utrecht, le 11 avril 1713. La période
qui suivit ces évènements fut une ère de prospérité pour l’abbaye.
Vers cette époque les sommités de l’ordre des Prémontrés se rencontrèrent
à l’Ile-Duc. Le 28 juillet 1716, le monastère reçut la visite de Claude
Honoré Lucas, général de l’ordre de St. Norbert.
Le prélat de Parc, suivi de son prévôt, se rendit audevant de l’illustre visiteur, et, après les compliments de bienvenue, il l’introduisit dans la salle de Chapitre. Le général procéda à la visite canonique du couvent; il témoigna sa satisfaction de la bonne tenue de l’abbaye et engagea les religieuses à la persévérance. Après le repas, il s’entretint avec elles des intérêts de la communauté et vers le soir il accompagna l’abbé de Parc.
I. De 1219 à 1260: Renier de Udekem
[1]Obituaire
de l’Ile-Duc, fol, 25, verso VIII. Comm. Dni. Johis de Udecom militis qui
dedit nobis vitriam fenestram in ambitu nr cm lapide necnon decorévit
altare sti Johis Bapt. orate pro com. Dne Jacobe uxoris dni Johis de Udecom. La généalogie
dressée par Jérome de Becberghe et traitant de la famille d’Udekem parle
de cette verrière, qui se trouvait à Gempe et portait l’écusson ancien
de cette famille: de sable à 3 maillets d’or.
[2]
Obituaire de l’Ile-Duc, fol. 52 verso VIII.
[3]
En 1260 Franco de Stade leur céda une dîme sur Nieuwrode. Quelques années
plus tard en 1269, la veuve du sire de Rivieren transporta aux dames de
Gempe la part de la dîme qui lui revenait dans la même commune. Divers
Papes confirmèrent les privilèges que la corporation de l’I1e-Duc avait
déjà obtenus. Grégoire IX prit le monastère avec tous ses biens sous sa
protection. Un Bref d’Urbain IV permettait de percevoir tous les fruits
des communes de Winghe, de Cortryck et de Nieuwrode: cette même faculté
fut renouvelée par deux évêques de Liège, Jean et Adolphe, l’un en
1276, l’autre en 1315.
Un bref de Clément IV confirma le droit de patronage que l’abbaye exerçait
sur l’église de Nieuwrode.
Enfin Honoré IV sanctionna tous les privilèges et toutes les immunités
dont jouissait l’Ile-Duc: il libéra les religieuses des dîmes novales
et de celles sur les animaux. En 1265, la veille des fêtes des sts. Philipe
et Jacques il y eut une transaction entre l’abbaye de Cortembergh d’une
part, et le monastère de Gempe de l’autre relativement à une dîme sur
le village de Humbeeck: l’Ile-Duc céda au couvent de Cortembergh tous ses
droits.
Ainsi que nous l’avons déjà dit les souverains du Brabant continuèrent
à honorer l’Ile-Duc de leur bienveillance. Outre les largesses faites par
Henri I et son Fils Henri II, le duc Jean I ratifia toutes les faveurs et
tous les privilèges que ses prédécesseurs avaient accordés à la
communauté. Le glorieux vainqueur de Woeringen concourut plus directement
encore à la prospérité de l‘Ile-Duc en gratifiant le monastère en
1289, d’une propriété située à Varent, grande de 15 bonniers. Les bienfaits
du duc ne s’arrêtèrent pas à cette libéralité: par une charte de 1292
il déclare maintenir le couvent dans toutes ses possession et renouvelle
les immunités dont l’avaient favorisé ses ancêtres. Jean le Victorieux
eut de fréquents rapports avec le couvent de Gempe: en 1290, le duc opéra
un échange de propriétés avec la communauté. Il donna une partie des
terres qu’il avait à Vorst en retour de celles dont l’Ile-Duc était
propriétaire à Grimde.
Une exception de corvée pour le terme de 8 ans fut scellée en faveur de la
maison de Gempe par le même souverain en 1293. Le successeur de Jean I,
Jean II, son fils, surnommé le pacifique, fut fidèle aux traditions de
bienveillante protection que les princes ses devanciers lui avaient laissées
touchant le monastère. En 1297, ce duc confirma les religieuses dans tous
leurs privilèges et prit leurs propriétés sous sa puissante garde.
[4]
D’autres peines ne tardèrent pas à aggraver la triste position des
malheureuses religieuses. Le 25 janvier 1584 elles perdirent une de leurs
consœurs qu’elles tenaient en grande vénération. Cette pieuse femme,
Gertrude Pierson, doyenne d’age du couvent, avait 62 ans de profession
religieuse. Modèle accompli de toutes les vertus chrétiennes, elle était
regardée comme une sainte par toute la communauté. Le corps de la vénérable
défunte fut transféré à Parc où on l’inhuma dans le cloître de
l’abbaye, le 26 janvier suivant.
[5]Le
3 avril 1623 Jean Vander Gheyn, de la famille des célèbres fondeurs de
cloches de Louvain reçut la somme de 46 florins 4 sous pour avoir refondu
la petite cloche du monastère. Cette cloche qui pesait anciennement 150
livres en pesait 183: il y avait ajouté du métal.
En 1628 le 7 juillet le couvent fit exécuter par maître Jean Wynants un
ciboire en vermeil du poids de 38 onces à raison de 5 florins 5 sous
l’once.
Les religieuses ornèrent leur église en 1631 de trois nouveaux autels; l’un était le maître autel, les deux autres se trouvaient dans le chœur des religieuses. Jacques de Boonen, archevêque de Malines, consacra solennellement les nouveaux autels. Après ces dépenses de première nécessité on compléta la sonnerie de l’église de trois cloches.
[6]
Vers ces années vivait à Parc un moine habile graveur, le chanoine
Courtmans; ce religieux exécuta une image de St. Blaise particulièrement
honoré à Gempe. St. Blaise était très vénéré à Gempe depuis de
longues années. Nous
savons que bien avant l’époque de cette gravure une indulgence avait été
accordée à ceux qui venaient l’invoquer au monastère. Le pape Innocent
XII en 1696, renouvelle les indulgences plénières à tous ceux qui célébraient
la
fête
du St. martyr par la réception des sacrements.
[7]
Arhives du royaume de Belgique. Dossier, abbaye d’Averbode.
[8]
Voici la copie du mémorial de cette visite. Nous traduisons du flamand.
"Nous, Servais, prieur, abbé d’Averbode, faisons savoir: que nous étant
transportés le 14 septembre 1663 au monastère de l’Ile-Duc à Gempe, après
avoir adoré le Saint-Sacrement de l’autel et avoir exposé nos qualités
devant la communauté réunie en chapitre, avons entendu le Rév. prieur, la
dame prieure et toutes les religieuse du prieuré; y avons trouvé tout en
bonne observance et n’avons eu aucune rernarque essentielle à faire, nous
avons exhorté la communauté à la persévérance dans l’observance des règles
et des statuts et dans l’obéissance au Rév. prélat de Parc, Père abbé
dudit monastère, comme nous l’avons fait plus longuement au chapitre tenu
le 15 septembre de la dite année, etc. ..
[9]
Le surlendemain au matin l’abbé se rendit au refuge des religieuses, il y
trouva toute la communauté avec les objets les plus précieux. Le prélat célébra
la Messe pour les religieuses fugitives dans la chapelle des dames blanches
et les engagea à supporter courageusement l’adversité. Il invita en même
temps la prieure et la communauté à venir dîner à son abbaye le 5
novembre suivant.
[10]
L’abbé officia pontificalement à l’église et fit un discours de
circonstance. Comme on le voit les rapports de la plus grande cordialité régnaient
entre le prélat de Parc et le prieuré.
Pour obtempérer à un vœu ardent de la communauté l’abbé demanda et
obtint de l’archevêque de Malines l’autorisation de remettre aux
religieuses une partie des reliques de St. Hubert que l’on conservait à
Parc.
L’abbé divisa les reliques du saint le 10 décembre 1704, avec
l’assistance du prieur de l’Ile-Duc Adam van den Putte, et de Bernard
Van Limbourg. Il envoya les parcelles à l’archevêque Humbert a Précipiano
qui résidait à Bruxelles. Celui-ci les approuva et les fit scel1er le 12 décembre,
pour qu’elles fussent aux Norbertines données.
Le
don de l’archevêque fut reçu avec grande joie. Les sœurs prièrent
l’abbé de Parc leur protecteur de bien vouloir les visiter le 8 février
pour présider à l’exaltation solennelle de ces reliques dans leur église.
[11] Le lendemain avant midi les religieuses arrivèrent à Parc, y dînèrent et partirent à une heure et demie.